16 décembre 2014


Projet Patrimoine et Accesibilité

Patrimoine et Accesibilité
 
AU SUJET DU PATRIMOINE
Le terme Patrimoine mondial est aujourd’hui associé de façon générale et immédiate à la réalité culturelle proche ou lointaines, à des biens uniques identifiables et tangibles qui revêtent un intérêt exceptionnel, quel que soit le pays auquel ils appartiennent, et qui doivent être respectés et protégés en tant qu’éléments du patrimoine de toute l’humanité. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Face à la menace de détérioration ou de disparition, la conservation du patrimoine a reçu une impulsion décisive avec la Convention sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, adoptée à Paris par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture en novembre 1972. Depuis les deux premières inscriptions en 1978, la liste du Patrimoine mondial s’est allongée pour inclure actuellement 779 biens culturels, 197 biens naturels et 31 biens mixtes. Au total, ce sont 1 007 biens situés dans 161 États membres. À l’occasion de son quarantième anniversaire, l’UNESCO et le Comité du Patrimoine mondial ont dressé un bilan de cette période et souligné la nécessité d’inclure dans la liste non seulement des monuments, palais, cathédrales et édifices historiques, des ensembles, jardins et sites historiques ou des zones archéologiques, mais aussi des exemples d’architecture moderne, de paysages culturels, de sites transfrontaliers, de programmes thématiques consacrés au patrimoine marin, aux forêts, à l’architecture en pisé ou aux sites industriels, entre autres. Comme l’affirme F. Bandarin, le concept de patrimoine mondial est vivant et la liste doit donc avoir un caractère inclusif et refléter l’évolution de notre conception de la culture et de la nature.
 
Cet engagement d’universalité, du patrimoine mondial de toute l’humanité, adopté dans les considérants de la Convention a produit des résultats positifs pour le développement culturel, social et économique des villes inscrites sur la liste. Cependant, un nouveau défi se présente : faire en sorte que ces biens culturels et naturels soient accessibles, connus et utilisés par toutes les personnes, y compris les personnes handicapées.
 
AU SUJET DE L’ACCESSIBILITÉ
Trente-deux ans après la Convention, les États membres des Nations Unies, face à la nécessité d’assurer la protection universelle des personnes handicapées, ont adopté lors de l’Assemblée générale du 13 décembre 2006, au siège des Nations Unies à New York, la Convention sur les droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif. Il s’agit du premier grand document sur les droits de l’homme du XXIe siècle et du premier instrument juridiquement contraignant qui protège spécifiquement les droits des personnes handicapées. Il représente un « changement paradigmatique» des attitudes et des approches. Les États qui signent et ratifient la Convention assument clairement l’obligation de promouvoir, protéger et assurer les droits des personnes handicapées, et acceptent les obligations juridiques qui leur sont assignées en vertu du traité, dont l’application exige une adaptation de leur législation. Le Comité sur les droits des personnes handicapées et la Conférence des États membres se chargent de superviser la mise en oeuvre de la Convention. En outre, les pays qui signent et ratifient le Protocole acceptent l’autorité du Comité précédent pour examiner les dénonciations individuelles de violation des droits consacrés et enquêter sur les violations graves ou systématiques de la Convention.
 
Le préambule souligne avec inquiétude que malgré tous les instruments promulgués et les activités menées pour leur défense et leur promotion, les personnes handicapées restent confrontées à de nombreuses barrières qui les empêchent de participer à la vie sociale sur un pied d’égalité. De même, il reconnaît la diversité du collectif concerné et l’évolution qui s’est produite dans le concept lui-même.
 
En effet, le handicap est entendu aujourd’hui comme le résultat de l’interaction entre les personnes et les barrières existantes, qui sont dues à l’attitude des personnes et à l’environnement. Le préambule reconnaît également la grande importance de l’accessibilité au milieu physique, social, économique et culturel, à l’information et aux communications. Pour cette raison, l´accessibilité est assumée comme un des principes généraux de la Convention. Cependant, nous savons tous ce qu’est le patrimoine mais nous ne sommes pas si sûrs de ce que signifie l’accessibilité. Elle peut être définie, à grands traits, comme une condition que doivent remplir les environnements, processus, biens, produits et services, ainsi que les objets et instruments, outils et dispositifs pour être compréhensibles, utilisables et praticables par toutes les personnes en toute sécurité et commodité et de la manière la plus autonome et naturelle possible.
 
Dans son itinéraire vital quotidien, une personne handicapée pourra se sentir intégrée et sur un pied d’égalité en fonction de l’accessibilité, ou de l’absence de celle-ci, dans des domaines comme l’information, le transport, l’urbanisme, l’architecture, la communication et les services qu’elle reçoit de l’administration.
 
L’accessibilité est doublement transversale : d’une part, elle « traverse » l’activité de la personne, et d’autre part, elle « traverse » la mise en oeuvre de volets très différents de l’administration et ses ressources.
 
Ce large éventail de contenus est en partie méconnu et sa mise en oeuvre est assez récente. Cela est dû notamment à sa formulation et son entrée en scène récentes, à son application à des domaines très complexes, à sa relation avec une population très hétérogène et d’une grande diversité fonctionnelle (mobilité réduite, aveugles ou malvoyants, sourds ou malentendants, déficiences intellectuelles diverses, etc.) qui oblige à trouver des solutions différentes et intégratrices. Par ailleurs, cela s’explique aussi par son caractère transversal, qui implique divers domaines de gestion et une réglementation abondante et dispersée quant au diagnostic et à la solution. Cette réglementation entrave parfois l’élaboration de solutions spécifiques, la formation technique et professionnelle dans les domaines concernés ou l’ancrage dans l’agenda institutionnel, provoquant l’atomisation des agents et des collectifs.
 
Cependant, nos villes ont assumé cet engagement, puisque les onze pays (31 villes) formant le Secrétariat ont signé et ratifié la Convention. De plus, sept de ces onze pays (27 villes) ont signé et ratifié le Protocole facultatif, avec ce que cela implique en termes de mise en oeuvre et de supervision.
 
NOTRE EXPÉRIENCE
Sachant que le partage d’expériences est un de nos objectifs, et que la découverte d’autres interventions est un moyen d’enrichissement général et particulier, nous encourageons l’échange d’expériences dans le respect de l’évolution, du moment et de la culture de chaque ville. Dans cette optique, le Secrétariat régional a ouvert deux lignes de travail. D’une part, un « Questionnaire sur l’accessibilité » a été élaboré, avec 102 questions regroupées dans les chapitres suivants : 1.- Personne chargée de remplir le questionnaire, 2.-Information générale sur la Déclaration de Patrimoine mondial de la commune, 3.- Réglementation en matière d’accessibilité, 4.- Gestion technique et administrative municipale de l’accessibilité, 5.- Organes de participation de collectifs de personnes handicapées, ordres professionnels et autres agents , 6.-Information et communication, 7.-Urbanisme, 8.-Architecture, 9.- Transport, 10.- Subventions, aides économiques ou exonérations fiscales pour l’amélioration de l’accessibilité, 11. Dynamisation et services, 12.- Observations et commentaires, 13.- Liste de documents joints.
 
Le questionnaire a été envoyé et rempli par 19 villes. Sans entrer dans le détail des résultats obtenus, qui affichent de fortes variations entre les villes, on peut d’ores et déjà affirmer que l’accessibilité commence a être prise en compte en matière de patrimoine et que, dans la plupart des cas, les interventions sont essentiellement limitées au milieu urbain et plus particulièrement à l’architecture. Très peu de mesures concernent des solutions d’accessibilité à l’information et à la communication (alors que nous sommes paradoxalement à l’ère des communications), à la dynamisation et aux services destinés à l’ensemble de la population. De même, les besoins qui ont été traités sont surtout liés à la mobilité réduite. Par ailleurs, pour compléter les informations, les villes ont été invitées à décrire, sous un format préétabli, leurs expériences en matière d’accessibilité et de patrimoine en dégageant des exemples de bonnes pratiques, présentés dans les pages suivantes. Il convient de souligner les efforts réalisés par ces villes et de mentionner également les villes de Strasbourg, Bordeaux, Guimarães,Sintra, Santiago de Compostela et Kotor, qui ont manifesté leur intérêt lors de différentes phases du projet.
 
ÉLÉMENTS CLÉS POUR PROGRESSER
Il faudra redoubler d’efforts à l’avenir pour éviter la forme subtile de discrimination découlant du manque d’accessibilité. L’expérience des villes les plus avancées montre la nécessité de s’appuyer sur quatre grands piliers : la volonté institutionnelle, pour promouvoir des plans d’intervention et fournir les ressources adéquates ; l’application de la législation et, si nécessaire, d’une adaptation pertinente des solutions à la réalité préexistante ; la participation d’agents professionnels et de collectifs de personnes handicapées pour détecter les besoins et aider à prioriser les interventions ; et des instruments ou organes de gestion responsables pour soutenir la réponse transversale nécessaire para et la coordination au sein de la « chaîne d’accessibilité » (Information-Communication, Transport, Urbanisme, Architecture, Service aux habitants). Sur la base de ces piliers, nous progresserons en adoptant une approche pluridisciplinaire (apportant le point de vue des diverses disciplines et aidant à résoudre les « tensions » potentielles) tenant compte de la situation actuelle et des conditions spécifiques à chaque contexte d’intervention, avec des solutions échelonnées (structurales, provisionnelles, techniques, technologiques, audiovisuelles ou autres), adaptées à l’objectif, respectueuses de la protection dont fait l’objet le bien ou la ressource, intégrées et « invisibles », car ce n’est pas l’accessibilité que l’on perçoit mais l’absence de celle-ci. Il est communément admis que l’administration est l’organe le plus proche des personnes, des problèmes et de leurs solutions, et que les interventions en matière d’accessibilité incident directement et positivement sur près de la moitié de la population, exerçant une influence sur la qualité de vie de tous. Nous devons donc assumer notre responsabilité en appliquant également la culture de l’accessibilité à la défense du patrimoine.